La laïcité vue par Henri Pena Ruiz

par Gérard Minadakis

Jeudi 12 décembre, nous avons eu le plaisir de partir à Montbéliard, à la rencontre d’un esprit éclairé, digne héritier des philosophes des Lumières, Henri Pena Ruiz. Il a été invité dans le cadre des rencontres/débat qui se déroulent au Bar des sciences dont le thème était « la laïcité ».l’ancien président de l’Assemblée Nationale Jean Louis Bianco était également convié au débat.

Je vais tenter l’exercice périlleux de synthétiser les propos du philosophe, tant son intervention a été de haute volée. Le public, très attentif aux propos tenus ne s’y est pas trompé. L’assistance a été portée par la hauteur de vue du philosophe. Loin du marasme intellectuel actuel et des idées de caniveau développées aujourd’hui par une classe politique à la remorque d’un front qui se voudrait national, mais qui en fait ne nous propose qu’une vision au rabais de l’idée de laïcité.

Pour Monsieur Pena Ruiz, la laïcité est une valeur essentielle de la république. L’idéal laïc n’est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C’est tout le contraire. C’est le plus grand contresens que l’on puisse faire sur la laïcité que d’y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion. Elle a le souci de la liberté de conscience et de l’égalité de tous les hommes, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques.

La séparation laïque de l’État et des Églises, de l’École et des Églises, n’est nullement tournée contre les religions, mais contre leurs privilèges publics, incompatibles avec l’égalité de droit des citoyens.

La loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l’intérêt particulier. C’est ce qu’on appelle le principe de neutralité de la sphère publique. Ce principe de neutralité, il le développera à partir de l’institution qui est la pierre angulaire, l’une des brique essentielle dans la construction du citoyen en devenir : l’École Publique.

La liberté de conscience est fondée sur l’autonomie de jugement développée grâce à l’Ecole de la République, la seule vraiment libre, car elle s’ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple et n’a d’autres soucis que de libérer les consciences humaines en leur donnant accès à une culture universelle.

A l’école, il y a des élèves et non pas des petits Juifs, Musulmans, Chrétiens ou Athées. Ils sont là pour s’instruire, élever leur conscience pour devenir des hommes libres à tout point de vue. Le pari éducatif étant qu’ils puissent apprendre à penser progressivement par eux-mêmes et devenir responsables des choix qu’ils auront consentis.

Que l’école reste ouverte à tous, mais que chacun en respecte le principe essentiel de neutralité. L’élève n’a pas à connaitre les idées et les croyances de l’enseignant. Celui-ci doit faire profession d’élever l’esprit de l’élève à la liberté de jugement. L’école ne doit imposer aucun autre message particulier que celui de liberté d’une instruction émancipatrice.

L’application stricte de la laïcité n’implique nullement la rupture du dialogue avec le religieux. Notre orateur ne se déclare pas anticlérical, mais chacun doit rester à sa place.
Si la religion est une démarche spirituelle et personnelle, pourquoi devrait-elle avoir des privilèges temporels ?

Trop souvent les hommes ont tendance à privilégier ce qui les divise. Avec la Laïcité, il faut apprendre à vivre tous ensemble, avec ses différences, dans l’horizon de l’Universel, sans jamais oublier que nous avons des intérêts communs en tant qu’Homme.

Notre modèle Laïc Français est différent du modèle Anglo-Saxon dans lequel les institutions publiques sont liées à la sphère religieuse. La reine d’Angleterre est chef de l’église Anglicane. Le président des États-Unis, lors de son investiture, jure sur la Bible…

Et qu’en est il du vivre ensemble ? Chaque communauté vit dans une forme d’autarcie. Chacune se juxtapose à l’autre, avec finalement peu d’interactions mutuelles.

Au contraire de la France, où il ne doit exister qu’une communauté, la communauté des citoyens usant des mêmes droits et des mêmes devoirs dans le partage du vivre ensemble dans l’espace public.

Pour construire un projet de société, n’ayons pas peur d’affirmer nos valeurs et dire que la liberté, c’est l’émancipation. L’esprit critique va de paire avec la liberté de conscience. C’est une valeur essentielle de la laïcité.

Merci Monsieur Pena Ruiz d’être venu nous instruire sur cette idée si galvaudée aujourd’hui, de cette laïcité dont un grand nombre de bateleurs d’estrade parlent ; puissent-ils un jour vous lire, mais surtout vous comprendre.

Commentaires

Les Commentaires sont clos.