L’ Espagne est devenue le modèle de l’austérité

Par Michel Renaud

935027_640409512642457_1558880667_nEn Espagne le peuple ne croit plus en la parole officielle. Il constate une corruption dans tous les compartiments du pouvoir. Hier les technocrates européens demandent au gouvernement espagnol d’y aller moins fort avec les expulsions de personnes qui ne peuvent plus payer leur loyer, alors que l’avant veille la commission européenne avait menacé le gouvernement espagnol de représailles si la région andalouse persistait à exiger des banques qu’elles remettent en location les logements vides ou saisis.

En Catalogne les pompiers manifestent contre la suppression de mille postes de pompiers. Ces pompiers ne veulent plus obéir lorsqu’ils sont réquisitionnés pour ouvrir de force les logements pour des expulsions car les serruriers refusent de faire ce sale boulot. La pauvreté progresse partout. Les infirmières s’expatrient en Allemagne pour exercer leur travail en pédiatrie. Les jeunes sont désemparés.

L’Espagne un anti-modèle

C’est la même situation qu’en Grèce La crise européenne et le chaos final qui s’avance ont lieu partout dans l’Union Européenne. L’Espagne est une caricature comme elles tendent à se multiplier dans l’Europe du Sud C’est un anti-modèle de croissance avant la crise, un anti-modèle dans la crise tant la politique d’austérité produit un désastre dans ce pays.

Le Parti de Gauche avait déjà dénoncé la situation risquée de l’Espagne

Les libéraux et les sociaux libéraux vantaient le « tigre espagnol » au coté du « tigre celtique » irlandais. Le modèle de croissance de l’Espagne reposait sur un artifice comptable de la richesse produite et du stock réputé disponible. L’Espagne a été l’un des pays les plus touchés par la crise de 2008. Sa croissance reposait pour l’essentiel sur une bulle immobilière soutenue par un système d’emprunts hypothécaires proches des subprimes américains. La crise financière de 2008 s’est propagée à l’économie réelle entrainant une récession féroce avec une forte augmentation du chômage. Les chômeurs ont été incapables de faire face au remboursement de leurs prêts hypothécaires Le marché immobilier s’est effondré, les banques ont été frappées de plein fouet, la crise s’est aggravée, le chômage a explosé.

La dette privée des ménages devient un problème pour les banques qui ont prêté un argent qu’elles ne récupéreront pas malgré les expulsions des gens de leur logement. En 2012 près de 40 000 logements ont été saisis au cours de l’année dont la majorité était la résidence principale.

La réponse du pouvoir espagnol s’est traduit par des coupes budgétaires et la TVA bombardier. Les prévisions sont sombres avec de nouvelles hausses des déficits et du chômage à venir.

Quand les impayés sont trop importants les banques deviennent explosives

Elles risquent la faillite. L’effondrement d’une seule banque menacerait de faire écrouler tout le système bancaire. L’Etat espagnol est intervenu pour recapitaliser les banques. L’Etat a versé de l’argent qu’il n’avait pas et il a lui même emprunté. Voici comment les dettes privées sont devenues des dettes publiques. Comment les citoyens emprunteurs-contribuables n’ayant pu rembourser leur dette à la banque ont été obligés de payer en TVA, la diminution de service public et le chômage pour éviter aux banques qui les avaient pris à la gorge de s’écrouler.

L’Espagne est victime des vautours de la finance. L’Espagne ayant adopté l’euro comme monnaie, elle n’a pas pu faire financer cette nouvelle dette publique par la Banque Centrale Européenne, et a du emprunter sur les marchés. L’Espagne est devenue dépendante des agences de notation et les taux d’intérêt se sont envolés.

Pendant des années l’Espagne était présentée comme le modèle de la zone euro

C’était le bon élève du pacte de stabilité, l’un des rares pays qui respectait les critères du traité de Maastricht. En 2008 au début de la crise la dette de l’Espagne représentait 36% du PIB, nettement en dessous des 60% exigés par la Commission et les traités européens. Entre 2005 et 2007 l’Espagne a dégagé pendant trois ans un excédent budgétaire, à savoir en 2005 un excédent de 1% de son PIB, en 2006 2%, en 2007 2,2% alors que les traités européens autorisent un déficit public de 3% de a richesse du pays. Le social-libéral Jose Luis Zapatero a fait introduire dans la Constitution la fameuse « règle d’or » exigée par Angela Merkel interdisant ainsi les déficits publics

L’anti-modèle espagnol ne s’arrête pas là

Comme la Grèce, l’Espagne applique le même remède l’austérité. Depuis 2010 les plans d’austérité se sont succédés à savoir des coupes dans les dépenses publiques et sociales, la réduction du nombre de fonctionnaires et du service public, la flexibilisation du marché du travail et la précarisation des salariés, le recul des droits sociaux comme le droit à la retraite, la hausse des taxes et des impôts pesant sur le peuple comme la TVA etc. C’est l’application du programme commun européen.

C’est le parti socialiste en fait social-libéral qui a appliqué les premières cures d’austérité à savoir la baisse des salaires des fonctionnaires, un gel des retraites, une flexibilisation du marché du travail, puis un an après les socialistes espagnols ont relevé l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans

Depuis 2011 la droite a succédé aux sociaux-libéraux. Les plans d’austérité se succèdent aux plans d’austérité. Pour recapitaliser ses banques et faire face à l’attaque de la spéculation l’Espagne a du faire appel à l’aide européenne. La troïka Union Européenne – FMI – Banque centrale européenne a exigé du gouvernement espagnol 92 milliards d’euro de coupes dans les dépenses publiques d’ici 2014. Le plan de juillet 2012 contient une baisse des salaires des fonctionnaires et des indemnités de chômage, une hausse de la TVA de 18% à 21%, l’âge de la retraite passera de 65 à 67 ans plus vite que prévu. Tout s’aggrave. C’est l’apocalypse économique et le désastre social. Le pays enchaine les années de récession. La richesse du pays s’est contractée de 1,4% en 2012. Elle va encore baisser cette année d’au moins de 1,5%…

Le bilan actuel : L’austérité augmente la dette et les déficit publics. Le chômage explose

En 2012 l’Espagne a connu un déficit public record à 10,6% de son PIB, la richesse produite en un an, alors que le gouvernent de droite l’estimait à 7%. Cette situation démontre que l’austérité ne marche pas. La dette publique a explosé, elle est passée de 36% du PIB avant la crise à 90% attendu cette année. Une bonne partie de la hausse de la dette publique a été provoqué par l’aide apportée aux banques, par la récession et les plans de relance

La récession a fait exploser le chômage. On compte six millions de chômeurs en Espagne. Depuis 2008 le taux de chômage a bondi de 20 points. Il dépasse désormais les 27% de la population active. Un actif sur quatre est au chômage. Presque toutes les familles sont frappées. Un quart de la population essaye de survivre en jonglant entre les allocations chômage pour ceux qui y ont droit, les petits boulots au noir quand il y en a et la misère. Ainsi la consommation populaire est étouffée et l’activité économique ne peut pas repartir. L’austérité aggrave la crise.

L’Espagne va connaître un avenir sombre

Le gouvernement prévoit que le chômage continuera de frapper environ un quart de la population active. Les prévisions sont un taux de chômage de 24,8% en 2016.

Chez les jeunes de moins de 25 ans on compte près de 1 million de chômeurs soit une génération « sacrifiée » et un taux de chômage supérieur à 57 %.

En Espagne ce n’est même plus une crise sociale c’est une crise de civilisation. Pour la première fois depuis que la statistique existe la population totale de l’Espagne a reculé en 2012 par rapport à 2013. Pour la première fois le nombre d’émigrants, ceux qui quittent le pays, a été supérieur au nombre d’immigrants, ceux qui arrivent. Des milliers de jeunes espagnols quittent leur pays pour essayer de trouver du travail ailleurs. Ils vont en grande partie en Allemagne pour compenser le vieillissement de la population allemande.

Avec les cures d’austérité les salaires ont baissé de 7% entre 2009 et 2011. Pour les libéraux l’Espagne a gagné en « compétitivité ». Les libéraux se félicitent d’avoir fait baissé le coût du travail. L’Espagne a dégagé un excédent commercial en mars 2013. Mais le pays a pour la première fois depuis 42 ans moins importé qu’il n’a exporté. Les importations se sont effondrées de 15% puisque plus personne n’a d’argent pour acheter quoi que ce soit.

L’actuel miracle espagnol est le suivant : comment se fait il que l’on ne soit pas encore arrivé au point destituant « qu’il s’en aillent tous » ? Ca vient !

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