DOSSIER : L’éco-socialisme, ou une nouvelle économie politique au service du progrès humain

Par Michel Renaud

L’éco-socialisme a sa propre définition, il permet de sortir des impasses idéologiques, il instaure une nouvelle économie au service du progrès humain, il est le moteur pour construire la révolution citoyenne.

Qu’est-ce que l’éco-socialisme ?

Une alternative concrète et radicale

426371_345058328922188_1085038913_nC’est la réponse humaine raisonnée à la double impasse dans laquelle est enfermée dorénavant l’humanité en raison des modes de productions et de consommation de notre temps qui épuisent l’être humain et l’environnement. Nous combattons donc les deux moteurs du système actuel : le capitalisme et le productivisme.

Le capitalisme impose la marchandisation pour faire de toute chose une nouvelle source de dividendes. Il est responsable du creusement des inégalités sociales et de la mondialisation où règne le dumping social et environnemental avec la délocalisation des pollutions et des altérations de l’écosystème.

Le productivisme épuise les ressources naturelles et perturbe le climat. L’idéologie consumériste est son corollaire. Elle élève l’accumulation matérielle au rang de loi à grands coups de publicité pour générer des besoins jamais rassasiés. Les vrais coupables de ce système sont l’oligarchie financière mondialisée, les gouvernements soumis aux lobbies des multinationales sans contrôle démocratique, les idéologues de la concurrence « libre et non faussée », du capitalisme vert et du libre échange.

L’éco-socialisme est une alternative pour sortir de la crise et imposer l’intérêt général humain : partager les richesses sans attendre, fonder une nouvelle économie des besoins et de la sobriété, préserver le climat, l’écosystème et sa biodiversité.

Un paradigme de l’intérêt général

L’être humain est une partie intégrante de l’écosystème dans lequel il vit. Il n’y a qu’un seul écosystème global compatible avec la vie humaine et nous sommes semblables dans notre dépendance à l’écosystème. Il y a donc un intérêt général humain qui est lié à celui des autres espèces vivantes : préserver l’écosystème qui rend la vie humaine possible.

Le paradigme écologiste appelle donc la démocratie, l’égalité sociale, la laïcité et le féminisme. Dans la délibération pour déterminer l’intérêt général humain chacun d’entre nous est appelé à dire non pas ce qui est bon pour lui mais ce qui est bon pour tous. Cela institue l’universalité des droits humains, la citoyenneté comme devoir et la République comme nécessité. Tel est le lien raisonné qui unit l’écologie politique et la République sociale universelle. Cette théorie politique globale est nommée éco-socialisme.

Une nouvelle synthèse politique à gauche

L’éco-socialisme est un nouveau projet politique réalisant la synthèse d’une écologie nécessairement anticapitaliste et d’un socialisme débarrassé des logiques du productivisme. Il permet la jonction des grands courants de la gauche dans une nouvelle conception politique. Ce projet de société est une alternative au capitalisme. Le projet éco-socialiste prend en compte les besoins humains et les limites de la planète Il repense l’utilité sociale de la production, nos manières de consommer, nos besoins réels, la finalité de nos produits et de la manière de les produire.

Le renouveau du socialisme

Il s’agit de définir un nouveau modèle de progrès en rupture avec le système capitaliste. Doivent être repensés non seulement le système de production et d’échange, mais aussi le contenu des productions et les modes de consommation, cela implique par conséquent l’ensemble de l’organisation sociale et politique. Cette approche nous oblige à penser d’une façon nouvelle ce qu’est véritablement le progrès humain dans la perspective de la préservation de l’écosystème. Cette nouvelle conscience et son programme d’action sont l’éco-socialisme. Ses méthodes sont la radicalité concrète, la planification écologique et la révolution citoyenne.

Sortir des impasses idéologiques

Le mensonge du capitalisme vert et les risques de l’environnementalisme

Notre écologie est sociale, elle prolonge les combats historique de la gauche. L’écologie n’est pas compatible avec le libéralisme. Nous dénonçons le capitalisme vert qui sous couvert de développement durable offre un nouvel espace à la mainmise de la recherche du profit maximal, alimente la dynamique impérialiste et la politique à court terme..

Nous refusons le discours écologiste qui se contente de culpabiliser les individus. Ce discours s’abstient ainsi de souligner la responsabilité majeure du productivisme sans frein, il renonce à s’attaquer aux modes de production et de consommation capitaliste et refuse de voir qu’ils exploitent les plus précaires et pillent les pays du Sud.

Nous refusons l’écologie de salon coupée des classes populaires, sans critique sérieuse de l’économie mondialisée dépourvue de vision sociale et d’efficacité environnementale. Notre écologie à nous aborde les questions d’environnement en faisant systématiquement le lien avec la critique du système économique et avec les luttes sociales en y impliquant l’ensemble des citoyens.

L’impasse sociale démocrate

Nous réfutons la doctrine social-démocrate qui voudrait que toute redistribution de richesses passe d’abord par la relance de la croissance du PIB et de la hausse de la consommation matérielle globale. C’est un double contre sens.

Elle maintient la puissance du capital financier et suppose que la richesse s’organise à partir »des fruits de la croissance ». Elle ne s’attaque pas à l’accumulation déjà acquise. Les richesses existent et il n’a pas lieu d’attendre pour les redistribuer.

Cette doctrine repose sur un modèle d’expansion infinie qui est un suicide de la civilisation humaine. Le PIB ne reflète pas le bien vivre dans une société. Il est impératif que chaque être humain puisse accéder aux biens fondamentaux et la relance des activités d’intérêt générales est indispensable. La relance d’une croissance économique aveugle n’est pas de nature à répondre aux urgences sociales et à la préservation de l’écosystème, des ressources naturelles et du climat.

Nous ne croyons ni à la reprise de croissance ni aux effets bénéfiques de l’austérité.

Instaurer une nouvelle économie politique au service du progrès humain

Mettre l’économie au service des besoins

L’éco-socialisme veut mettre l’économie et le système productif au service des besoins humains, il s’oppose à « la politique de l’offre » défendue par les libéraux.

Nous refusons cette logique productiviste qui consiste à produire tout et n’importe quoi dans n’importe quelles conditions pour l’écouler sur un marché par des dépenses publicitaires ce qui entraine une surenchère de consommation, des gâchis des déchets croissants de notre civilisation, une part de plus en plus croissante de l’exportation vers les pays du Sud au détriment de la santé des populations et de leur environnement.

La planification écologique doit satisfaire les besoins réels Elle inverse la logique traditionnelle en partant des besoins, du devoir de préserver l’écosystème et du droit de tous à vivre dans un environnement sain. Elle met le système productif en adéquation avec ces impératifs.

Rompre avec les schémas de pensée traditionnels

L’éco-socialisme remet en cause la dictature des intérêts particuliers et de la propriété privée des moyens de production . Nous prônons l’appropriation sociale des moyens de production et les propositions alternatives de l’économie sociale et solidaire en terme d’autogestion et de coopératives.

Nous défendons la souveraineté budgétaire et la nationalisation comme outil de politique publique notamment en matière de services bancaires et de crédit.

Indice de progrès humain, démondialisation et protectionnisme social et écologique, dotation inconditionnelle d’autonomie et salaire socialisé, revenu maximum autorisé sont autant de perspectives que nous souhaitons pour éviter le piège d’un accompagnement du système.

Il faut aller plus loin pour la réduction du temps de travail : »travailler moins pour travailler tous et mieux » fixer le plein emploi comme horizon tout en interrogeant les finalités du travail. Rien ne sert de travailler davantage que le temps utile à produire ce qui nous est nécessaire. Le temps ainsi libéré pourrait utilement être affecté à des activités considérées aujourd’hui comme « improductives » et pourtant combien essentielles au bien vivre.

Produire autrement

Notre système de production doit reposer sur ce qu’on appelle les « 4 R » a savoir la relocalisation de l’activité, la réindustrialisation écologique, la reconversion de l’outil industriel, et la redistribution du travail.

De nombreux besoins non satisfaits existent : dans une industrie relocalisée, dans les services aux personnes, dans l’agro-écologie et l’agriculture paysanne au service de la souveraineté alimentaire et de la santé pour tous, dans la recherche et les filières « verte » visant à réduire notre dépendance aux ressources épuisables (écoconstruction, efficacité énergétique, rénovation thermique, énergies renouvelables …)

Avec l’augmentation du chômage et la crise sociale, l’argument de l’emploi est trop souvent mis en avant contre l’impératif de la protection de l’environnement. C’est une absurdité : le coût économique et social du laisser faire libéral, là où la relocalisation et la transition écologique permettraient au contraire de conserver , transformer ou créer de nombreux emplois, locaux et pérennes, dans tous les pays .

Instaurer la règle verte comme boussole politique

La « règle verte » est notre indicateur central de pilotage de l’économie. Elle remplace « la règle d’or » des austérités et « d’ajustement structurel imposés par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne.

Elle vise à assurer notre responsabilité devant l’humanité et son écosystème en supprimant la dette écologique. Elle associe la nécessaire réduction de certaines consommations matérielles et la nécessaire relance de certaines activités avec la prise en compte systématique de l’empreinte écologique générée.

Il est donc nécessaire de procéder à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et l’arrêt du nucléaire qui produit des déchets radioactifs que nul ne sait gérer et qui comporte des risques inacceptables pour les êtres humains comme pour l’écosystème.

Construire la révolution éco- socialiste

Les luttes doivent converger

Notre action politique doit être le fait du plus grand nombre, il s’agit de rassembler et d’agir. Nous nous situons aux côtés des salariés et des exclus du système qui résistent et sont porteurs de projets alternatifs sociaux et environnementaux Nos adversaires dans cette bifurcation radicale de société sont les banques, les multinationales, et les actionnaires qui orientent la production en fonction de leurs intérêts privés et non de l’intérêt général.

Lutter et résister pour inventer

La révolution éco-socialiste combine proposition programmatiques et présence dans les luttes sociales et environnementales aux côté de toutes celles et ceux qui résistent Ce combat s’inscrit dans le développement d’expérimentations et alternatives concrètes : circuits courts, associations pour le maintien de l’agriculture paysanne , soutien aux ceintures vivrières et actions contre l’artificialisation des sols, collectifs de villes en transition, reprise d’entreprises par les salariés, système d’échanges locaux, épargne citoyenne, et monnaie complémentaires, habitat collectif et covoiturage.

Les citoyens sont actifs dans des actions de désobéissance civique non violente opérations anti-publicité ou réquisition de logements vides

Les élus du peuple s’engagent dans une démarche cohérente entre leur discours et leurs actes et font vivre la gauche par l’exemple en prenant des mesures d’interdiction de la publicité, de retour en régie publique de l’eau, ,de renchérissement du mésuage ou encore l’extension de la gratuité des services publics

Mettre en œuvre la planification écologique

La planification écologique impose la prise en compte du temps long et la maîtrise publique, le tout placé sous le contrôle des citoyens, travailleurs, et usagers. La révolution citoyenne est nécessaire pour conquérir cette capacité de contrôle Cela donne la possibilité d’organiser la bifurcation vers un autre mode de développement en interrogeant nos besoins et en réorientant production échange et consommation en vertu de l’intérêt général et ses besoins réels et inventer de nouvelles formes de participations. L’école publique doit organiser l’élévation des connaissances et des qualifications à tout âge et faire émerger de nouvelle filières.

Il faut redéfinir les critères de l’utilité sociale et environnementale. La planification écologique organise l’intervention continue des salariés dans la gestion des entreprises, dans le prolongement de la convergence croissante des luttes sociales et environnementales.

Pas d’égalité et de République sociale possibles sans Constituante

Nous affirmons l’exigence d’un haut niveau de culture commune par l’école publique incluant l’éducation à l’environnement. Le projet éco-socialiste réaffirme le rôle de l’Etat et de la collectivité et des services publics indispensables pour planifier la rupture, construire une société émancipatrice et garantir l’égalité d’accès aux droits fondamentaux pour tous. Ils doivent être refondés par le moyen d’une assemblée constituante.

Nous refusons la marchandisation du vivant et les OGM, ainsi que la financiarisation des biens communs comme l’eau, l’énergie et le savoir, et la privatisation des services publics.

Mener la bataille culturelle

Le projet éco-socialiste mène son combat idéologique par l’éducation populaire, il combat les bras armés du productivisme que sont la publicité avec son cortège de marchandisation des corps et de sexisme, la mode et les média, relayés par les organismes de crédit qui nous conditionnent et nous soumettent à une injonction d’achat et de gaspillage permanent

Faire sauter le verrou des traités libéraux

A l’échelle mondiale nous dénonçons les accords promus par l’Organisation mondiale du commerce, accords de libre échange et accord de partenariat économique qui contribuent à l’épuisement des richesses naturelles, à l’exploitation des peuples du Sud , au dumping social dans les pays dits développés. Ils ont tous en commun de prévoir la disparition des services publics, l’extension du service marchand et du libre échange.

Dans ces conditions nous assumons qu’une politique éco-socialiste en Europe passe par la désobéissance à l’Europe libérale et à ses directives. Il faut construire d’autres rapports de forces entre les citoyens, le pouvoir de la finance et celui des institutions anti-démocratiques de l’Union européenne. Nous sommes pour la construction d’une autre Europe sous le contrôle démocratique des peuples.

Porter un combat internationaliste et universaliste

Il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine. Les décisions prises à un endroit de la planète ont des répercussions partout ailleurs Le projet éco-socialiste dénonce la compétition organisée en lieu et place de la coopération, le productivisme et ses effets sur le climat mondial, le pillage des ressources naturelles, l’accaparement des terres arables, ou encore l’austérité imposée par la troïka.

Il induit la reconnaissance de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et la création d’un Tribunal international des crimes contre l’environnement.

Le projet éco-socialiste doit pouvoir être porté par un forum mondial qui en fasse le but de la révolution citoyenne de notre temps.

Mener la révolution citoyenne pour l’éco-socialisme

La remise en cause du modèle productiviste capitaliste implique une refonte radicale des institutions incluant scrutins à la proportionnelle, parité et non cumul des mandats permettant au peuple d’être représenté dans toutes ses caractéristiques. Il s’agit de mettre au pas l’oligarchie et d’assurer en toutes circonstances la souveraineté populaire par une démocratie réelle

Cela exige que les majorités parlementaires éco-socialistes conjuguent leur actions avec des mouvements d’implication populaire dans tous les domaines de la vie de la société. Cette réappropriation de l’initiative politique et citoyenne par chaque femme et chaque homme, dans le but de déterminer partout et sur tous les sujets quel est l’intérêt général c’est ce que nous nommons la révolution citoyenne.

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